Digital shopping : l'exemple venu de Chine
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La digitalisation chinoise est-elle applicable en France ?
Les commerces de proximité peuvent-ils s’inspirer sans perdre leur âme ?
2021 : le retail est en berne et le digital shopping fleurit en Chine. Avec trois confinements successifs, les boutiques ont baissé le rideau. Certaines temporairement, d‘autres pour de bon. Si, depuis l’arrivée et l’expansion du e-commerce (notamment grâce à Amazon et autres pure players comme Veepee), l’avenir du modèle brick and mortar est souvent questionné, la Covid-19 a sonné l’urgence avec une interrogation urgente : quel(s) modèle(s) pour le shopping de demain ?
Le digital shopping propulsé par les réseaux sociaux
En France, et ailleurs, le confinement du printemps 2020 a créé un blackout temporaire : pendant des semaines, coincés chez eux, les français ont tout d’abord accusé le coup. Mais, au fur et à mesure que les semaines passaient, les achats en ligne ont augmenté. Un bond en avant qui a vu les achats de services et voyages baisser drastiquement (ce qui n’est pas très étonnant), tandis que celles de produits (high tech, mode, etc.) ont explosé. Le phénomène, loin d’être isolé, tend à aller dans le sens d’un nouveau type de shopping déjà très présent en Chine.
WeChat, l’application à tout faire
Le pouvoir des réseaux sociaux n’a pas échappé aux géants de la tech et il n’aura pas fallu longtemps à Facebook pour s’inspirer des mastodontes chinois. Là où WeChat avait ouvert la voie, Alibaba et consorts ont créé un boulevard.
Pour rappel, cela fait des années que WeChat a intégré le quotidien des Chinois avec des fonctionnalités aussi variées que le partage de photos et vidéos, la mise à jour de statut, les rencontres et les messageries instantanées, mais aussi le paiement en ligne et via son smartphone. Et c’est là que la différence se fait : alors que nous utilisons des dizaines d’applications au quotidien, la population chinoise n’en utilise qu’une qui rassemble tout. Gain de temps, mais surtout simplicité et diminution des freins à l’usage.
Ainsi, le shopping digital est complètement intégré aux habitudes. Inutile d’aller chercher sa carte bancaire ou de lier son achat à un compte de paiement (qu’il soit bancaire ou passant par une plateforme type PayPal ou Stripe) : ici, l’utilisateur reste dans un seul et même environnement qu’il maîtrise. Même principe chez Alipay (affilié à Alibaba). Pour faire simple : les Chinois, qui n’ont jamais adopté les cartes bancaires, sont passés des espèces au smartphone en l’espace de quelques années.
Les réseaux sociaux se font relais commerciaux
Mais la technologie ne fait pas tout. Simplifier les processus d’achat est une chose, encore faut-il donner envie. Et ici encore, la Chine fait figure de leader. Alors que les influenceurs occidentaux jonglent entre différentes plateformes, essayant de ne pas disperser leur audience, leurs homologues chinois ont placé la barre très haut et se sont approprié les outils à leur disposition en un temps record.
Ainsi, ils n’ont pas attendu la crise de la Covid-19 pour se mettre en scène et en tirer profit. Beauté, mode, high tech, food… tout y passe et une fois de plus le positionnement est différent. Au cœur de leur stratégie, on trouve les réseaux sociaux auxquels les stars digitales adossent vidéos courtes et live streaming. Un tiercé gagnant qui booste les ventes pour atteindre des sommets.
Mais alors, est-ce à dire que le marketing d’influence est la solution pour le commerce ? Et si c’est le cas, que se passera-t-il pour les boutiques indépendantes, les artisans et commerçants, bref, les petits commerces qui font vivre les quartiers ? Si la croissance du e-commerce a de quoi inquiéter, le modèle chinois devrait plutôt inspirer même les plus petits acteurs en leur montrant qu’il n’est pas impossible de réconcilier physique et digital. L’essentiel est de créer du lien et de raconter une histoire. Pas facile quand on ne veut pas sortir de sa zone de confort.
Des centres commerciaux digitaux sociaux
Plutôt que de vouloir réinventer la roue, les géants du commerce Chinois ont simplement adapté nos centres commerciaux au digital. Ainsi, il ne s’agit pas de boutiques isolées, mais d’environnements sociaux complets où on peut se balader de boutique en boutique, trouver de quoi manger un morceau ou boire un verre, mais aussi rencontrer d’autres personnes. Le mall digital est devenu social, s’éloignant de la fonction commerciale pure et dure.
Enfin, les boutiques physiques n’ont pas attendu la pandémie pour intégrer le digital à leurs pratiques. Alors que les QR codes ne sont véritablement réapparus en France qu’au sortir du premier confinement, ils faisaient déjà partie de l’arsenal commercial des enseignes chinoises au même titre que les actions en ligne destinées à attirer du trafic en point de vente physique.
Boutiques connectées et réalité augmentée : le digital shopping se développe
Les innovations venues de Chine sont parfois proches d’un épisode de Black Mirror. Ça tombe bien on parle aujourd’hui de Black Tech, soit la technologie d’anticipation digne d’une série d’anticipation. Dans ce nouveau monde, les miroirs sont intelligents, les vendeurs sont des robots et les chariots avancent seuls.
L’exemple le plus parlant est le centre commercial conçu par Alibaba à son siège. Imaginé à l’origine sur le modèle des campus Google et Facebook où tout est fait pour que les employés n’aient pas à quitter le site, il est à la pointe de la (black) tech.
Réalité augmentée et réalité virtuelle entrent en scène
Ce n’est pas nouveau : les deux technologies existent depuis maintenant un bon moment et apportent un soutien non négligeable à l’expérience utilisateur en boutique. Si certains rechignent encore à entrer dans une boutique totalement digitalisée (et on peut les comprendre), le fait est que c’est désormais possible. Et à l’absence de vendeurs peut s’ajouter l’absence de produits.
“L’absence de produits ?!?!” Oui, même si cela peut paraître absurde, les produits ne sont plus nécessaires pour déclencher l’achat. Il suffit de pouvoir se projeter, non pas en imaginant ce qu’ils pourraient donner chez soi, mais en visualisant, purement et simplement, sur son écran ou avec un casque de réalité virtuelle. L’expérience parfois immersive se rapproche de celle qu’on peut vivre dans un jeu vidéo, mais sans un environnement plus réaliste que fantastique.
On peut alors choisir sa montre, son tableau ou encore son maquillage sans même prendre la peine de les essayer. Comment ? Grâce à des applications dédiées ou à des objets intelligents comme ce miroir qui permet de changer de tenue en un clic. Inutile d’appeler la vendeuse pour avoir la taille au-dessus ou le même modèle dans une autre couleur. Une fois de plus, il y a un gain de temps certain, mais aussi une forme de confort pour les clients. On est loin de la virée shopping de Pretty Woman….
Les robots, assistants du digital shopping
Une séance shopping peut se passer en plusieurs temps : le choix, les essayages, le paiement, la récupération des paquets. Mais que se passe-t-il quand on n’a pas de vendeur ? Parfois même pas de personnel de caisse ? Et bien… on engage un robot ! Ils peuvent déplacer des objets, assurer une forme de service et sont toujours aimables. Sur le papier (enfin, ici on est sur écran, il va falloir penser à revoir nos expressions), c’est attractif. Dans la réalité… ça semble fonctionner. Mais peut-être pas pour tout le monde…
Toujours est-il que la logistique peut leur être déléguée, faisant gagner du temps aux conseillers de vente qui, dans ce cas précis, peuvent mieux accompagner des clients qui préfèrent le contact humain à la tablette toute-puissante. Car oui, malgré le développement phénoménal des nouvelles technologies, et les efforts surhumains (c’est le cas de le dire) pour digitaliser le commerce, le contact reste une exclusivité humaine. Et ce, même si les interfaces des robots font tout pour transmettre des émotions.
Même quand on parle de click & collect, c’est ce qui fait la différence entre une consigne où récupérer son paquet et un échange avec un vendeur en chair et en os qui vous le remet.
Faciliter le shopping
Finalement, la technologie ne permet-elle pas aussi de démocratiser certains usages ? Par exemple, le personal shopper, service offert aux meilleurs clients (facturé à d’autres), s’il devient digital, permet de s’occuper simultanément d’un grand nombre de clients sans pour autant perdre en efficacité (si tant est que la demande reste simple : l’intelligence artificielle n’en est qu’à ses débuts).
Mais le digital shopping va plus loin, notamment en termes de confort. Et le confort, au 21ème siècle, c’est primordial. Ainsi, 7Fresh, concurrent du supermarché d’Alibaba, propose des chariots autonomes. Plus besoin de les pousser ou de les piloter entre les rayons : ils suivent les clients à la trace. Plus de facilité aussi pour trouver les informations relatives au produit : un simple scan du QR code (les magasins Hema ont été les premiers sur le sujet) et on accède à la liste des ingrédients, aux indications concernant l’utilisation, etc.
Le futur du retail sera digital, qu’on le veuille ou non. Si les usages ne se sont pas encore développés en Occident, la Chine a donné le ton en prenant les devants. De là à dire que demain les commerces français devront adopter les technologies décrites plus haut, il n’y a qu’un pas que nous ne franchirons pas. En revanche, il est important de réfléchir aux modèles souhaitables pour l’avenir. Parce que pour préserver les commerces de proximité il faut les embarquer dans le train de l’innovation sans les dénaturer. Cela passe par une nouvelle vision des enjeux et l’adoption de comportements plus digital-friendly, sans pour autant perdre leur authenticité. Le challenge est de taille, mais il en vaut la chandelle.