Gamification : Amazon entre dans le game
Comment le géant du retail utilise-t-il la gamification au sein de ses équipes ?
Opération réussie ou échec complet ?
Que devons-nous en retenir ?
Dans certains entrepôts, les employés d’Amazon passent des heures chaque jour à jouer aux jeux vidéo. Alors, non, ce ne sont pas des parties de jeu endiablées sur du Mario Kart, mais plutôt des mini-jeux développés directement par la marque. Certains s’affrontent lors de courses de dragons ou de voitures, tandis que d’autres collaborent pour construire des châteaux pièce par pièce. Difficile à croire ? C’est pourtant bel et bien l’opération de gamification d’Amazon.
La gamification par Amazon : le projet “FC games”
Amazon étend son programme de gamification lancé en 2019 dans cinq de ses entrepôts aux Etats-Unis. Désormais, ce seront des entrepôts dans pas moins de 20 états américains que la gamification sera intégrée. Le programme de gamification d’Amazon consiste à donner la possibilité aux employés de mieux appréhender leur charge de travail grâce à des jeux vidéo. Bienvenue en 2021 !
Ces “jeux” au graphisme rétro, fonctionnent avec la technologie des installations d’Amazon pour pouvoir observer le travail des employés, tout en le comparant aux autres. Les heureux élus qui obtiennent un score élevé peuvent ainsi se vanter auprès de leurs collègues et gagner des “swag bucks” (nom donné aux points obtenus en jouant), qui peuvent être échangés contre des équipements et des vêtements de la marque.
Le recours à la gamification se traduit par une envie d’améliorer la productivité et l’engagement de ses employés, notamment en rendant les tâches moins monotones. Et ça tombe plutôt bien puisque c’est l’une des principales missions de la gamification.
Comment ça fonctionne ?
Pour rendre le travail de ses employés plus fun, Amazon a installé de petits écrans vidéo près de leurs postes de travail dans les entrepôts test. Ces écrans affichent des jeux vidéo impliquant des activités compétitives telles que la course et la construction de châteaux (pensez à Tetris, mais avec de vraies boîtes).
La possibilité de progresser dans ces jeux est liée à l’accomplissement de tâches et chaque employé est libre de jouer individuellement ou alors d’intégrer de petites ou grandes équipes. Bien évidemment, ceux qui jouent le jeu, reçoivent des points, des badges virtuels et d’autres récompenses tout au long de leur journée de travail.
De son côté, l’enseigne affirme qu’elle ne contrôle pas les résultats des jeux et ne pénalise pas les employés qui ne jouent pas. En revanche, ils sont suivis et évalués sur une variété de facteurs de performance dans le cadre de leur routine habituelle. La marque n’a pas dit si ces évaluations sont plus rigoureuses depuis l’introduction des jeux.
Qu’en pensent les principaux concernés ?
Cette opération montre des premiers signes de succès de l’introduction de la gamification chez Amazon. Les employés qui se sont exprimés de manière anonyme (sûrement par crainte de représailles de la part de leur employeur), ont déclaré que les jeux ont effectivement contribué à atténuer l’ennui au travail, en ajoutant des nouveautés à des tâches initialement physiquement exigeantes et monotones.
Parmi les témoignages, une employée raconte qu’il lui est arrivé de prélever près de 500 articles dans les rayons en environ une heure. Elle affirme qu’elle a été grandement encouragée par le jeu qui l’opposait à d’autres collaborateurs. C’est donc dans une volonté d’être le meilleur que les préparateurs de commandes sont en concurrence les uns avec les autres pour accomplir les tâches du jeu vidéo le plus rapidement possible.
En réponse aux nombreux articles publiés sur le sujet, Amazon a décidé d’adresser un message : “Les employés nous ont dit qu’ils appréciaient de pouvoir participer à ces jeux sur les postes de travail, et nous sommes ravis de tenir compte de leur commentaires et d’étendre le programme à un plus grand nombre d’entrepôts du réseau. Même avec cette expansion, le programme reste totalement facultatif pour les employés ; ils peuvent participer à différents jeux selon leurs préférences, jouer de manière anonyme ou même ne pas jouer du tout. Le choix leur appartient” (source : RetailWire)
Alors, est-ce une réussite ?
Jane McGonigal, conceptrice de jeux vidéo, est intervenue sur le sujet en déclarant que l’aspect compétitif des jeux peut également avoir un impact négatif sur les performances et doit être surveillé de près. En effet, la compétition n’est agréable que pendant une courte période, dès que les employés commencent à être moins performants que leurs collègues, cela peut devenir moins amusant et peut même être contre-productif (tout l’inverse de l’objectif initial).
Globalement, on peut dire que pour l’instant le projet de gamification chez Amazon se déroule comme prévu. En tenant compte des divers témoignages, les employés ont pour certains été plus productifs grâce aux jeux et ne voient pour l’instant pas de problème à l’introduction de la gamification dans leur routine professionnelle. Il reste cependant à voir l’évolution de ce projet dans les années à venir, puisqu’elle sera normalement déployée un peu dans tous les entrepôts de la marque.
Pour rejoindre les propos de Jane McGonigal, on peut également aller du côté de la recherche. Selon quelques chercheurs, l’un des risques principaux de la gamification du travail tient dans la notion d’exploitationware. Ce concept sera expliqué dans notre podcast qui, ce mois-ci, complète notre article.
Pour Amazon, la gamification peut s’avérer essentielle pour rester compétitif et tenir la promesse client : gagner quelques secondes de préparation sur chaque commande est un enjeu pour le géant du e-commerce. La vitesse de préparation des colis aide à réduire les coûts et permet de garantir une livraison le jour même (pour l’abonnement Prime) ou le lendemain pour davantage de produits. Cependant, il ne faut pas oublier les conditions de travail des employés qui ne sauraient être négligées. Enfin, rien ne garantit que ce type de programme de gamification des tâches quotidiennes s’avéra efficace dans le temps.